Archives de juillet, 2014

Un nouveau service web a fait son apparition cette année, et il a le Festival d’été de Québec dans sa mire pour se mettre « sur la mappe ». Shareapass, tel que décrit sur le site web du même nom, « est une plateforme web mobile qui rend accessible et abordable le prêt et l’emprunt de laissez-passer aux événements ».

Je crois personnellement qu’il s’agit d’une bien mauvaise idée, qui semble répondre à un besoin très individuel (pour ne pas dire individualiste), mais qui pourrait avoir un très mauvais impact à long terme sur des événements comme le FEQ.

La source de mon indignation

J’ai entendu parler de Shareapass pour la 1ère fois à la radio de Radio-Canada, il y a quelques mois. On y expliquait que ce service est là pour « aider les festivaliers à rentabiliser leur laisser-passer ». Je crois que cette prémisse est quelque peu ridicule.

Une véritable aubaine

Ceux qui achètent beaucoup de billets de spectacles savent très bien que 78$, c’est une véritable aubaine pour 11 journées de spectacles et toute la pléiade d’artistes et artisans que ça implique.

Et même en supposant qu’un festivalier ne se rende sur les sites du festival que 2 ou 3 jours, on parle quand même de 39$ ou 26$, ce qui est encore une sacré bonne affaire.

Le client roi

Personne n’est obligé d’acheter d’acheter un laisser-passer du FEQ. Alors je ne vois pourquoi le fait de ne pouvoir y aller plus qu’une, deux, ou 3 fois (ou même les 11 soirs), constitue une non-rentabilisation du dit laisser-passer.

Mais semblerait qu’on est à l’ère du client roi (de l’enfant du même nom…), qui se doit de presser le citron au maximum au risque de se sentir lésé et blessé ! (misère…)

Une analyse s’impose

C’est bien beau tout ça, mais une analyse s’impose.

Le nombre maximum de laisser-passer pouvant être vendus est de 150 000. Je vais ici faire abstraction du fait que pour certains spectacles (comme à l’Impérial ou au Cercle, par exemple), on peut payer à la porte. Je ne vais pas non plus prendre en compte le fait que lorsque tous les laisser-passer sont vendus, on vend parfois des billets d’un soir pour accéder à certains spectacles des Plaines. Mais entre vous et moi, les considérer ne ferait que renforcer mon propos.

La capacité maximale des Plaines est de 80 000 (environ) festivaliers. Les chiffres officiels ne sont pas connus, et semblerait qu’on se rend parfois à 100 000 (avec des enfants dans la foule, qui ne requièrent pas de laisser-passer).

Supposons une soirée où les Plaines font salle comble; ça laisserait donc de 50 000 à 70 000 festivaliers pour toutes les autres scènes. Vous me voyez venir ?

La capacité d’accueil des autres scènes ne frôle probablement même pas 10 000 (5000 au pigeonnier, pas autant à Place-D’Youville, combien en salle ?).

Donc, si Shareapass gagne son pari et convainc tout ce beau monde de partager leurs bracelets, il risque d’y avoir pas mal de monde refoulé aux entrées.

Déjà qu’on entend souvent certains festivaliers se plaindre qu’il manque une scène intermédiaire de 20 000 places, ou qu’ils se voient refuser l’accès à un spectacle par manque de place… Shareapass ne ferait d’après moi qu’accentuer le problème.

Des effets collatéraux insoupçonnés

L’autre effet pervers que pourrait avoir Shareapass serait la baisse des ventes des laisser-passer. Pourquoi s’acheter un laisser-passer si on peut en emprunter un pour une soirée ?

C’est une chose d’emprunter la passe de sa blonde ou du beau-frère; ça en est une autre de le faire sur une plus large échelle. Si le FEQ vend moins de laisser-passer, ça veut dire qu’il ferait moins de revenus. Alors, pour boucler son budget, il n’aurait d’autres choix que de diminuer la qualité de sa programmation ou de hausser le prix du laisser-passer.

Conclusion

Je m’excuse à l’avance auprès des créateurs de ce nouveau service, qui viennent de ma région (Québec). J’ai beaucoup d’admiration pour les entrepreneurs, n’ayant moi-même vraiment pas la bosse des affaires et suffisamment de couilles pour me risquer à fonder ma propre compagnie, ou même me partir à mon compte en tant que consultant.

L’idée, en théorie, semble bonne. Mais en pratique, du moins pour le Festival d’été de Québec, elle semble apporter davantage d’effets néfastes à long terme et pour la majeure partie des festivaliers, que d’effets positifs pour une poignée d’avares…