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J’en ai lu des vertes et des pas mûres depuis le début du conflit qui oppose les étudiants  au gouvernement sur la question des frais de scolarité, et qui s’est littéralement transformé en grand mouvement social. Je sais qu’il y a eu des débordements argumentaires et émotifs (pour ne pas dire démagogiques) dans les deux camps. L’objectif de ce billet n’est pas d’en faire l’énumération, ou de faire la démonstration que les « verts » ont été plus ignobles que les « rouges » (ou vice-versa). Je tiens seulement à démonter un cheval de bataille de plusieurs détracteurs du mouvement de protestation actuel, à l’effet que celui-ci soit dirigé et essentiellement constitué d’adeptes du statu quo.

Les manifestants du statu quo?!

Ainsi, d’après André Pratte et Alain Dubuc (La Presse), Martin Coiteux, Joseph Facal (JdQ/JdM), Richard Martineau (TVA, JdM, JdQ), les manifestants et protestataires sont des tenants du statu quo. Ce sont des bébés gâtés qui veulent uniquement préserver les acquis actuels sans aucun ajustement ou changement. Que les manifestants croient (c’est du moins la prétention de ces chroniqueurs) qu’il soit possible de maintenir les frais de scolarité bas, sinon de les abolir, sans aller chercher de l’argent neuf pour nos universités ailleurs. Et qu’il en est de même pour pas mal tous les services publics. Et bien sûr, les manifestants veulent toutes ces choses aveuglément, étant manipulés et à la merci des grandes et méchantes centrales syndicales qui sont la cause réelle de tous les problèmes du Québec. Car après tout, les problèmes dans l’industrie de la construction sont manifestement la preuve que tout ce qui tourne pas rond au Québec est la faute du syndicalisme et l’État Providence, non? (sarcasme)

Je suis POUR le changement

Je ne parlerai pas au nom de tous les manifestants. Je crois que nul n’a le droit de le faire, puisque nous sommes pas un bloc homogène. Je parlerai en mon nom propre et j’inviterai d’autres à y joindre leur voix et à manifester leurs propres différences s’ils le désirent.

Je ne suis pas un partisan du statu quo. C’est bien mal me connaître que de croire que je suis allergique au changement. Je suis, comme tout être humain, naturellement résistant au changement, à l’inconfort qu’il apporte à mon quotidien. Mais je ne m’y oppose pas fondamentalement, pour autant qu’il soit pour le bien de la collectivité. Je suis donc un partisan du changement.

Mais contrairement aux chroniqueurs et éditorialistes susmentionnés, je crois qu’il est possible de réformer le système actuel vers la gauche, plutôt que vers le centre ou la droite. Ce qui ne veut pas dire de gaspiller davantage. Ni de donner plus de pouvoirs aux centrales syndicales qui font preuve du même esprit de corporatisme que certaines grandes entreprises. Aller vers la gauche ne veut pas dire non plus d’augmenter la dette à l’infini, ni de transformer le Québec en bastion communiste.

(Petite parenthèse en passant…. Pour ceux qui l’ignorent, le communisme n’a jamais réussi à s’implanter en Russie, qui s’est contenté de faire dérailler un régime socialiste à grands coups de totalitarisme et de corruption); et en Chine, actuellement, on a davantage affaire à une dictature capitaliste, qu’à un régime en bonne et due forme; et pour ce qui est de Cuba, il n’y a de communiste que le parti au pouvoir, mais on a plutôt affaire à un régime socialiste. Tout ça pour dire que le communisme est une vue de l’esprit inatteignable, et probablement non souhaitable. Alors n’ayez crainte: si c’est le communisme qui vous fait vraiment peur, c’est pas demain la veille que le Québec se tournera vers ce modèle de gouvernance…)

Je crois en un État fort, mais efficace, où tous les employés seraient fiers et adeptes de l’amélioration continue; pas pour travailler plus, mais pour en venir à améliorer constamment les services livrés à la population, et à en réduire progressivement les coûts, en éliminant le gaspillage. Je crois en une exploitation juste et équitable de nos ressources naturelles, qui considérerait l’environnement au même niveau que l’économie. Je crois en la modernisation du mouvement syndical, qui jadis fut  un modèle à l’international, et qui gagnerait à s’inspirer de ce qui se fait maintenant dans les pays scandinaves. Je crois en l’entrepreneuriat et l’innovation, et à la participation de tous les citoyens à la croissance d’une économie nouvelle, basée sur le savoir et le développement durable. Et je crois que TOUS les québécois devraient en bénéficier de manière juste et équitable, à la hauteur des efforts qu’ils voudront y mettre. Je vois mal en quoi ceci incarne le statu quo…

Chasser le statu quo et il revient au galop

Et si, au contraire, faire la promotion du statu quo était en fait de se taire et de laisser choses empirer? De laisser la corruption gangrener la société québécoise au point de devenir une nouvelle Grèce? De laisser nos dirigeants transférer le fardeau de la dette et de la fiscalité sur les épaules des jeunes travailleurs, plutôt que de répartir le tout convenablement entre les jeunes et les moins jeunes, les entreprises et les travailleurs? De conserver ce système parlementaire britannique qui alimente le cynisme citoyen, plutôt que d’opter pour un système proportionnel mixte, voire même à deux tours? De… (ah non, fait pas ça Math… c’est pas une bonne idée… et tant pis, je me lance…) … de demeurer au sein d’un pays qui nous ressemble de moins en moins, exempt de projet de société et dans lequel nous ne voulons pas que nos enfants grandissent?

Et si c’était ça le statu quo, en quoi les manifestants de ce printemps érable en serait-ils les plus farouches défenseurs? Je crois que l’on devrait relancer la balle à tous ces chroniqueurs mentionnés précédemment, leur dire de se regarder dans le miroir, puis d’aller se faire voir ailleurs! (j’aimais mieux la mouture originale de cette phrase, mais c’était vraiment beaucoup moins poli…)

Peut-être bien que je suis un rêveur. Peut-être aussi que je suis légèrement idéaliste, voire même utopiste. Ça me convient et je sais porter le chapeau lorsqu’il me va. Mais adepte du statu quo, ah ça, pas du tout!

Pour ceux qui l’ignorent, je suis rédacteur technique de profession. Ingénieur de formation, mais dont la carrière a bifurqué il y a de cela près de 4 ans, vers la rédaction technique.

Qu’est-ce que ça mange en hiver, un rédacteur technique, m’écrirez-vous? Eh bien, tout dépend du domaine. Mais en gros, l’essentiel du travail de rédacteur technique en est un de vulgarisation. Les fameux manuels que personne ne lit jamais sont rédigés par des rédacteurs techniques. Même les instructions d’assemblage d’Ikea sont probablement conçus par des rédacteurs techniques, même si plusieurs graphistes y apportent sûrement leur contribution.

En fait, les utilisateurs ne lisent les manuels que lorsqu’ils ont de sérieux problèmes que leur système D ne peux résoudre. Ils bénissent alors le ciel pour la qualité de l’information trouvée, ou maudissent le fabricant en contactant le service d’assistance technique.

Pourquoi je vous parle de rédaction technique? Parce qu’il s’avère que mon domaine d’expertise est celui de l’énergie, tout particulièrement des systèmes de modernisation des postes électriques et des réseaux de distribution d’énergie. Je crois donc être parfaitement qualifié pour vous parler de ces fameux compteurs en or d’Hydro-Québec.

Si vous écoutez un peu la télévision, vous avez sûrement vu la publicité en question. Autrement, vous pouvez avoir vu l’équivalent dans un journal, ou sur un site web. Si vous ne savez toujours pas de quoi il est question, je vous invite à visiter le site web qui présente de long en large ce qui s’avère être une campagne syndicale peu subtile visant d’abord et avant tout la préservation d’un rapport de force.

Qui se cache derrière la campagne?

D’abord, le site web demeure vague à ce sujet, mais pas complètement. En fouillant un peu, on voit rapidement qu’il a été conçu par (ou pour) le Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, la section locale 2000 du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-2000). Le site a donc un biais évident, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il ne contient que de la propagande syndicale. Il présente également des éléments factuels, mais ceux-ci survivent-ils à l’épreuve des faits?

Le remplacement des compteurs actuels

Je n’entrerai pas les détails économiques, n’étant pas économique de formation. J’assumerai donc que les chiffres fournis par le SCFP-2000 sont valides. Par contre, ce que le site omet de préciser, c’est l’autre côté de la médaille. Les dirigeants d’Hydro-Québec ne sont quand même pas des abrutis. Et bien que le cynisme ambiant nous a habitué au copinage, je doute que la haute direction de notre chère société d’état soit entièrement acoquinée avec ceux de Landys+Gyr, le fabricant de compteurs intelligents qui a été sélectionné pour approvisionner le Québec en cet élément de controverse.

Alors pourquoi donc remplacer les compteurs mécaniques actuels par des compteurs dits intelligents, qui peuvent être lus à distance et automatiquement ? La lecture en temps-réel de la consommation électrique des ménages québécois va s’avérer fort utile pour gérer la crise énergitique qui pointe à l’horizon.

Vers la crise énergitique

Non seulement la consommation électrique mondiale est en forte croissante, avec le nombre grandissant d’appareils énergivores dans nos foyers, mais l’arrivée prochaine de la voiture électrique va faire bondir cette consommation de manière phénoménale. Imaginez : toutes ces voitures arrivant à la maison sur l’heure du souper, rapidement mises en mode chargement. Vous vous demandez qu’est-ce que ça a à voir avec les compteurs intelligents? J’y viens…

Le plus gros sujet de recherche dans le domaine électrique est au niveau de la conservation de l’énergie électrique, à l’aide de batteries de haute capacité. C’est d’ailleurs le point faible des énergies vertes: on ne décide pas de la force du vent et de l’intensité du soleil; étant difficilement stockable, il faut utiliser l’énergie éolienne et solaire dès qu’elle est produite. L’hydro-électricité est plus facilement gérable à ce niveau: on peut augmenter ou réduire le débit d’eau dans les barrages, selon la demande.

Ainsi, il se gaspille une quantité impressionnante d’énergie: car le réseau est conçu pour répondre à la demande des périodes maximales de consommation. Comme l’heure du souper l’hiver, où se font aller les chauffe-eau, les fours, le chauffage, l’éclairage, etc. Hydro-Québec recommande toujours à ses utilisateurs de faire fonctionner leurs lave-vaisselles, laveuses et sécheuses en dehors des périodes maximales de consommation.

C’est bien beau la sensibilisation, mais ça ne fonctionne jamais assez. Il faut viser le consommateur là où ça fait mal: pas dans les couilles, mais dans sa poche. Il faut donc pouvoir facturer l’énergie à un taux plus élevé durant les périodes de pointe, et à un taux plus faible aux périodes de faible consommation, en espérant que ça le fera davantage changer ses habitudes et que l’on gaspillera moins d’énergie. Vous voyez où je veux en venir? Les compteurs intelligents permettent la facturation variable, car ils permettent la lecture en tout temps de la consommation, ce qui n’est bien sûr pas possible lorsqu’un employé doit en faire la lecture manuelle.

Plusieurs services publics d’énergie américain utilisent déjà les compteurs intelligents à cette fin. Hydro One en Ontario a déjà un projet pilote en marche. Hydro-Québec, qui est habituellement un leader en la matière, traîne un peu de la patte à ce niveau. Et c’est sans compter les programmes de réponse à la demande, qui permet aux compagnies d’énergie du même genre qu’Hydro-Québec d’offrir des tarifs réduits à ces clients pour pouvoir arrêter temporairement à distance leur air climatisé en milieu de journée, lorsque ceux-ci ne sont pas à la maison, afin de réduire le gaspillage.

Tous ses efforts permettront, à terme, d’exporter toute l’énergie économisée aux américains. Donc, en plus des économies réalisées par les québécois, ceux-ci récolteront plus de bénéfices par l’entremise des ventes extérieures de leur société d’état chérie. Je doute que ces chiffres soient inclus dans les estimés du SCFP-2000.

Le vrai problème, s’ils en est un

L’arrivée des compteurs intelligents est donc inévitable, et l’ensemble des bénéfices apportés ont volontairement été omis dans la campagne publicitaire des compteurs en or, ce qui constitue à mon avis une tactique malhonnête. Un peu plus de transparence aurait été souhaitable, même si on s’entend que le sujet est quand même très complexe, surtout pour le commun des mortels. Du moins, ce n’est pas avec ce genre de campagne que les syndicats vont redorer leur blason, fortement mis à mal par les groupes de droite et les abus d’une poignée de ces membres qui sont rapportés à grands coups d’éclat dans certains médias.

Le vrai problème, s’il en est un, est celui de la confidentialité du consommateur. Le compteur intelligent peut être vu comme un autre pas qu’effectue Big Brother pour pénétrer dans votre demeure, afin de tout savoir sur votre consommation d’énergie, sur l’utilisation de vos appareils, bref… des activités que vous faites chez vous, en privé. Mais encore faut-il qu’Hydro-Québec obtienne les autorisations pour se rendre jusqu’à ce niveau de détail dans sa cueillette de données… et que le reste des appareils que vous possédez à la maison soit capable de les lui fournir. Il faut donc maintenir la vigilance, mais on s’entend qu’on est encore loin du compte.

Pour ce qui est des pertes d’emplois, j’éprouve de la sympathie pour les membres du SCFP-2000, mais je crois qu’ils devraient plutôt prendre exemple sur leurs homologues scandinaves, qui essaieraient plutôt de s’entendre avec l’employeur pour donner à ces employés une seconde carrière, plutôt que de préserver un métier un peu archaïque en cette deuxième décennie du 21ème siècle, celui de releveur de compteur.