Bon, je crois être maintenant prêts pour une analyse à froid des dernières élections canadiennes. Plutôt que de faire un long billet ennuyeux, je vais essayer de garder ça court et ouvert à la discussion.
Les grands gagnants: Stephen Harper et le Parti Conservateur
Nul besoin de vous faire un dessin… Harper et sa bande ont réussi ce que plusieurs croyaient impossible: ils ont obtenu leur majorité en respectant leur plan de match. Ils ont gagné les circonscriptions qu’ils visaient, et c’est qui a fait la différence. Ça, et le fait que les journalistes ait embarqué dans leur jeu, en couvrant leurs activités même s’ils ne répondaient pas à leurs questions.
Autres gagnants: la droite et le ROC en général
Bien sûr, avec les conservateurs au pouvoir, les lobbys de droite pourront s’en donner à coeur joie. Par contre, on peut s’attendre à ce que Harper se garde une petite gêne, ne voulant probablement pas passer à l’histoire comme étant celui qui aura séparé le Canada.
Aussi, le Rest of Canada (ROC) pourra enfin faire valoir ses enjeux au Parlement, souvent éclipsé par les questions référendaires et les questions québécoises. À l’exception de gauche progressiste canadienne, celle-là même qui a divisé son vote entre le PLC, le NPD et les verts, et pour qui le lendemain de veille a été aussi brutal que pour les députés libéraux et bloquistes. Eux aussi doivent espérer qu’Harper ne séparera pas le pays.
Statu Quo: Les options fédéralistes et souverainistes, et le NPD
Si certains pensent que la mort annoncée du Bloc veut également dire la mort du mouvement souverainiste, c’est qu’ils sont de bien piètres analystes. Par contre, tout mouvement trop anti-québécois de la part du gouvernement ou du ROC se traduira par une montée du nationalisme québécois. À mon avis, aucune des deux options n’a progressé lors de cette élection et ce n’était pas un enjeu: c’est du moins le message qu’a envoyé le Québec au Bloc et au PLC.
La victoire du NPD est à double-tranchant pour le parti de Jack Layton. Ils ont moins de pouvoir aujourd’hui qu’ils en auraient eu dans une coalition contre un gouvernement minoritaire. Mais en devenant l’opposition officielle, ils ont assurément pris du gallon. Reste à voir si c’est du solide, d’autant plus que la majorité de leur députation vient d’un vote de contestation, celui du Québec.
Les perdants: les Québécois, les Libéraux et le Bloc
Oui, la démocratie a parlé. Oui, le Bloc a été presque anéanti. Et oui, la presque totalité de la province a voté contre Harper. Mais il s’agit encore d’un rendez-vous raté entre le ROC et le Québec. Et la voix qu’ils ont choisi ne sera malheureusement pas encore celle du Parlement. Sur le plan politique, car le truc rassurant, c’est de voir que seulement 17% des Québécois voulaient un gouvernement conservateur.
Pas besoin de vous expliquer pourquoi les Libéraux et le Bloc ont subi une sérieuse raclée. Je crois que le PLC saura rebondir, mais pas le Bloc. De toute façon, j’ai toujours crié haut et fort que la souveraineté se ferait au Québec, pas à Ottawa. Alors tant mieux si ça peut recentrer le débat sur l’axe gauche-droite, plutôt que sur la question référendaire.
Ce vent de changement qui n’est jamais venu
J’étais de ceux qui croyaient que le temps était venu pour un réel changement. Niet. Nada. Et seulement 61% de taux de participation.
Un autre gouvernement minoritaire, plus faible que le précédent, avec un taux de votation réellement plus élevé, aurait pu ramener à l’avant-scène la question de la réforme du mode de scrutin. Avec l’arrivée d’un gouvernement majoritaire conservateur, qui veut en prime abolir le financement aux partis politiques, cette possible réforme va aller aux calendes grecques. À moins que la population ne puisse être mobilisée convenablement, et que le tout devienne un enjeu de la prochaine campagne fédérale. Mais quatre ans, c’est vraiment, vraiment, vraiment long en politique.